Le nouveau pavé de Jean Lopez est à la hauteur des précédents: d'une clarté et d'un sérieux irréprochables. On n'en regrettera pas la lecture.
Jean Lopez, aidé par le succès des deux volumes précédents, complète sa série avec ambition: il lui faut tenir les 600 pages d'un Berlin très détaillé. Lopez ne se contente pas de la phase finale de la bataille (15 Avril-3 Mai) mais développe une des meilleures analyses de la campagne Vistule-Oder, cette démonstration de l'art opérationnel soviétique. Il évoque ensuite le nettoyage des ailes (Prusse et Silésie), puis l'offensive finale jusqu'au bunker d'Hitler.
La structure! avant tout. Je le répète après chaque lecture, mais ce qui différencie ce texte tient à la rigueur et à la structure. Comme dans son Stalingrad, Lopez détaille les forces en présence, le renseignement, les dirigeants, puis se consacre aux fronts un par un - au lieu de suivre la chronologie jour après jour. On découvre d'abord l'ensemble des avancées de Joukov et Koniev en Pologne; seulement après en vient-on à parler de l'opération de Prusse Orientale lancée 2 jours plus tard. Ce choix apporte une clarté incomparable au texte, permettant au lecteur, qui a découvert les risques, limites ou opportunités du premier front, de comprendre exactement les enjeux du second.
Et la rigueur dans l'analyse! Non seulement Lopez parcourt-il point à point les aspects économiques, politiques, organisationnels et de renseignement, mais il laisse volontiers tomber la démonstration déductive - celle du théorème de mathématique - pour l'approche inductive. Joukov pouvait-il foncer sur Berlin directement après avoir atteint l'Oder en Février 45 ? Non, répond Lopez : il n'en a plus la puissance car sa logistique l'a lâché ; ses troupes sont en train de piller la région et ont perdu leur discipline; la Luftwaffe se concentre à l'est et obtient la supériorité sur les pointes russes, les aérodromes de la VVS étant encore trop loin à l'est. Contestez un des 3 arguments : les 2 autres suffisent à soutenir la conclusion. The pyramid principle !
Le tout est soutenu par une cinquantaine de cartes détaillées et qui suivent presque parfaitement le texte (le travers habituel des textes historiques - la mention dans le texte de lieux géographiques que le lecteur ne peut trouver sur la carte - n'apparaît presque jamais), que ce soit dans les vues opérationnelles ou tactiques.
Dans Berlin, Le grand enjeu pour Lopez est de tenir la longueur. Son texte est deux fois plus épais que les précédents. Comment ne pas lasser le lecteur? Lopez s'en sort globalement. Il ouvre par une préface émotionnelle et réussie. Sa structure le conduit sans mal jusqu'à l'Oder, en passant avec fluidité les forces en présences, les techniques de dissimulation, et un des chapitres les plus clairs qui soient sur l'évolution doctrinale de l'Armée Rouge. Le rythme baisse légèrement lors des chapitres sur le nettoyage des ailes - en partie parce que, pour l'opération de Prusse / Poméranie, le point de vue allemand est trop légèrement traité - et reprend d'abord avec la chute de Königsberg puis avec la conclusion à Berlin, sans oublier le détail des micro contre-attaques tentées par les allemands ici ou là. On lui accordera la mention Bien.
Mais l'écriture révèle aussi quelques choix. D'abord la reprise critique des derniers travaux historiographiques américains ou russes (le mal connu Le Tissier, l'habituel Glantz etc.) mais aussi la citation de témoignages illustratifs s'inserrant bien dans le texte. J'insiste particulièrement sur ce dernier point: Lopez ne choisit pas l'anecdote sensationnelle mais la plus pertinente. Il n'est pas intéressé par la répétition de plusieurs sources identiques - syndrome du journaliste fier d'avoir mené des dizaines d'entretiens - mais par leur synthèse, si bien que ses "zooms" tactiques fluidifient du texte au lieu de le faire piétiner.
Et les choix en creux: il ne s'agit pas pour Lopez de raconter les aspects politiques sinon s'ils ont un impact direct sur la campagne. On évoque les discussions de Hitler et Guderian, de Staline et de ses généraux, mais pour commenter les choix du Führer ou de Staline, pas pour rapporter le point de vue de l'aide de camp. On décrit la concurrence entre Koniev et Joukov uniquement pour ses conséquences opérationnelles, et sur un ton dépassionné. On ne parle pas de l'impact de 3 prototypes à réaction mais on insiste sur la présence, jusqu'au dernier jour, de centaines d'appareils de la Luftwaffe contre les russes. On n'a pas besoin de mentionner plus de 3 mots sur la division Charlemagne puisqu'elle ne faisait que 250 des 100,000 hommes qui défendaient Berlin. On n'a pas à digresser sur la capture d'un laboratoire de recherche atomique à Potsdam mais on passe bien quelques lignes à noter la prise du centre nerveux de l'OKH à Zossen puisque cela signifiait la fin de toute coordination centrale des troupes allemandes. En un mot comme en cent: on s'intéresse à l'histoire, pas à la petite histoire.
Lopez se paie enfin de luxe de remettre la campagne dans une perspective d'histoire militaire plus large à la fin de son texte. Il démontre l'importance quantitative et doctrinale de la campagne Vistule-Oder. En comparant simplement la rapidité avec laquelle les russes ont investit Berlin - par rapport à Paulus à Stalingrad, à Bradley à Aix-la-Chappelle, ou, plus original, à Buckner à Okinawa - il convainc de la puissance, de l'effort, et du rouleau compresseur qu'était devenu l'Armée Rouge en 1945.
Des limites à ce texte? Un petit peu les mêmes que dans les autres textes, bien qu'atténuées. D'abord, M.Lopez, ajoutez un index à vos livres!
Ensuite, cette approche du moral des troupes, dont on retrouve tous les éléments au fil du texte mais de façon un poil décousue. Oh, le sujet est mieux fouillé qu'auparavant. Ça y est: les allemands sont aussi enserrés dans une féroce idéologie (point omis dans Stalingrad par exemple), mais on croit toujours, du moins au début du texte, à la thèse du "groupe originel" faisant la cohésion des bataillons teutons, alors que le déroulement de la campagne montre 10 fois des lignes de front reconstituées de "poussières d'unités" ou de fonds de tiroir (marine, rampants de la Luftwaffe, unités du train, personnel des centres de formation, Volksturm...). Poussez le encore un petit peu et Lopez va finir par lâcher la thèse du groupe originel pour de bon.
La thèse de l'auteur - et j'aurais pu commencer par là... - est à la supériorité décisive de la doctrine soviétique sur l'allemande. Pour Lopez, l'Armée Rouge pense la guerre de façon fondamentalement différente de la Wehrmacht: il ne s'agit pas de détruire les troupes ennemies, mais, par opérations successives, de finir par l'acculer au point où il devra se rendre. Il faut atteindre non pas ses forces en ligne mais sa capacité à se régénérer, et cela ne peut se concevoir en une seule bataille.
Par contraste, les allemands pensent d'abord à la destruction des troupes ennemies. Cela réussit contre les français, ces derniers manquant à la fois de profondeur et cassant au moral. Mais pas contre le géant russe, et quelles que soient les superbes encerclements tactiques ou opérationnels réalisés pendant les campagnes de 41 et 42. Le point de vue est décapant.
Cette approche conduit donc les russes à penser toute leur organisation différemment: les chars ne sont lâchés que lorsqu'ils peuvent durablement atteindre l'arrière ennemi; pas en rupture. Les armées sont conçues pour se projeter à 250km en ligne droite; pas pour faire des "entrechats" de 100km de profondeur. Laisser des poussières d'unités, même avec un peu de matériel, s'échapper, n'a pas d'importance : cela n'a pas d'impact sur la guerre complète. Enfin, en 45, les russes font une (relative) économie de leurs moyens humains, et profitent à fond de leurs supériorités en artillerie et en aviation.
Lopez reprend en postface le "mythe de la Wehrmacht", cette interrogation de bon sens: comment a-t-on jamais pu penser que c'est en demandant aux battus, ceux qui n'avaient pas trouvé la clé de la victoire, que l'on articulerait la doctrine permettant de battre les russes ? Personne n'aurait demandé à Gamelin et Weygang la bonne façon de battre les allemands... On comprend, en creux, que les russes n'aient jamais voulu détailler leur savoir faire dans mémoires ou textes historiques: il valait mieux laisser les américains errer sur de fausses pistes...
8 réactions
1 De CM - 04/02/2011, 13:00
C'est indubitablement le meilleur de cet auteur, dont les précédents opus n'offraient rien de nouveau et comportaient pas mal d'erreurs (celui sur Koursk est le pire).
Cet ouvrage m'a bien plu, en offrant une approche novatrice, même s'il reste un petit peu soviéto-centré (je sais, qui s'en plaindra après avoir lu pendant 50 ans du Carrell/ Manstein amélioré ;-)), mais cela été relevé ici (pourtant les archives allemandes sont plus faciles à obtenir et exploiter que les soviétiques).
Par rapport aux autres ouvrages qui n'étaient que des synthèses de sources secondaires (et trouvables sur Amazon), sans apporter ni analyse novatrice, ni étude d'archives inédites, celui-là offre une vision globale originale et bien construite, avec des conclusions qui tiennent vraiment la route.
Bref que du bon.
D'ailleurs, je vais même défendre l'auteur sur la théorie des "groupes primaires". Si Bartov lui a fait un sort statistiquement (c'est incontestable), cette théorie reste une des explications de la solidité allemande à l'Est en terme de psychologie et de Management. L'armée allemande, fidèle héritière de l'armée napoléonienne sur ce point, n'a pas son pareil pour créer rapidement des "groupes primaires" solides, même avec de jeunes conscrits. Certes, les méthodes employées pour amalgamer rapidement autour d'officiers et de sous-officiers vétérans, des jeunes à peine incorporés ne sont pas toutes respectueuses des conventions internationales régissant le droit de la guerre, mais pour l'état-major allemand clausewitzien, ceci n'est pas grave si la victoire est au bout.
Donc, à mon humble avis, et pour d'autres raisons, cette explication reste en partie valable, surtout à l'Est. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.
CM
PS : beau travail sur ce site, j'en fais la pub !
2 De le lecteur - 04/02/2011, 15:49
Merci pour le commentaire flatteur !
Côté "groupe primaire", j'entends l'argument comme quoi les allemands sont particulièrement doués pour faire d'un petit groupe un ensemble cohérent rapidement. Il reste à le démontrer
Pour le vivre en entreprise, ce n'est pas facile à moins d'avoir déjà une bonne homogénéité des ressources (âge, niveau d'éducation, attentes etc.) et de disposer d'outils ad-hoc.
3 De CM - 04/02/2011, 18:53
Oui c'est bien cela. Comme les français sous le 1er Empire, les allemands disposent en 1940 d'une capacité à créer rapidement de la cohésion, il suffit de comparer les performances des landsers de 1944, avec celles des GI's ou des Tommy's à la même époque. Cela vient d'une conjonction de facteurs : encadrement compétent et d'expérience, sélectionné par la valeur et non l'ancienneté, corpus doctrinal cohérent, bourrage de crânes idéologique.... Et une méthode de formation poussée et efficace. Mais cela n'aurait pas suffit compte tenu des délais de plus en plus courts, aussi la cohésion par l'effort va être associée à celle par l'épreuve (et le crime malheureusement - la crainte de ce qui va advenir en cas de défaite, au regard de ce qui a été commis, est un puissant ciment). D'où ma remarque sur le peu de cas des règles applicables au droit de la guerre pas seulement à l'Est mais aussi dans les Balkans, en Italie et en France (à Ouradour ceux sont systématiquement les derniers intégrés, les plus jeunes, qui tirent - au passage ces derniers incorporsés sont alsaciens lorrains).
Cette efficacité dans l'amalgame (que l'on ne constate pas dans les autres armées) tient aussi à une "tradition" militaire (fondamentale pour créer un esprit de corps).
Au passage, en 14-18, cette capacité est moins marquée, et va disparaître dans la proprension à vider les unités de ligne de leurs meilleurs éléments, rassemblés dans des unités d'élite au taux d'attrition élevé.
Cette capacité à générer rapidement de la cohésion, permet d'expliquer le maintien d'un niveau acceptable de qualité (ce n'est pas la panacée quand même, surtout en 45 mais cela reste "acceptable") malgré la disparition "objective" des groupes primaires du fait d'une attrition très élevée, surtout à l'Est (attrition aggravée par une politique de mutation vers les nouvelles unités des convalescents). Elle est comparable à la déconcertante facilité avec laquelle la Jeune Garde est devenue efficace en 1813-1814 (méthode déjà éprouvée avec les 4ème bataillons "de dépôt" rebaptisés Grenadiers d'Oudinot en 1809 et qui combattront si bien que beaucoup d'anglo-saxons les confondent avec lesdits grenadiers d'Oudinot de 1805...).
Le management en Entreprise aborde les mêmes notions que le commandement d'une unité de combat, mais en temps de guerre les choses changent fondamentalement...
CM
4 De Stéphane Mantoux - 14/03/2011, 09:35
Excellente fiche de lecture de cet ouvrage que j'avais commenté à la même époque.
Je viens de finir le Stalingrad qui était le seul que je n'avais pas encore lu des trois. Le meilleur à mon avis reste cependant celui-ci sur les offensives de 1945.
J'ai reçu la nouvelle version du Koursk qui est un peu améliorée (cartes refaites, un chapitre en plus, des photos insérées au milieu). A suivre.
Cordialement.
5 De Clayroger - 16/03/2011, 11:12
Bravo pour cette analyse pertinente du livre de Lopez.
Cet auteur démontre qu'avec rigueur et bon sens, on peut produire des ouvrages d'histoire remarquables sans être nécessairement adoubé par la Faculté.
Son travail, en concentrant les derniers travaux disponibles, renouvelle complètement notre vision de cette immense bataille, totalement occultée par la guerre froide au profit du "petit" front de l'Ouest.
Bien cordialement,
Merci encore pour cette analyse et pour ma part, j'attends avec impatience un Barbarossa (juin - dec 1941), mais j'ignore si M. Lopez le projette.
6 De le lecteur - 16/03/2011, 20:23
Merci du commentaire positif !
A ce que je vois, le prochain Lopez sera sur les opérations de 43-44, après Koursk. Il devrait sortir d'ici quelques semaines.
7 De Nicolas Bernard - 29/06/2011, 12:23
Pour brillant que soit le "Berlin" de Jean Lopez, il me paraît, s’agissant des mérites comparés de l’art opératif soviétique et des doctrines militaires allemandes, relativement discutable. Certes, c'est pour avoir synthétisé avec clarté les données entourant l'art opératif soviétique que l'ouvrage de M. Lopez a acquis une notoriété méritée, au-delà de sa passionnante description des affrontements militaires, et de son intéressante appréhension de la stratégie de Hitler (passée curieusement inaperçue alors que je la considère comme remarquablement novatrice). Cependant, cette synthèse de la doctrine militaire russe me semble largement tributaire de l'étude de Shimon Naveh, "In Pursuit of Military Excellence : The Evolution of Operational Theory" (Routledge, 1997). A raison, et à tort.
A raison, parce que le mérite pédagogique et la stimulation intellectuelle de cette étude sont indéniables. A tort, parce que ladite étude ne m’en semble pas moins discutable quant à certains éléments.
Tout d'abord, son analyse de "l’art de la guerre" à l’allemande ne me convainc pas entièrement. Si tout n'est pas faux - loin de là - ses développements sur le Blitzkrieg ne sont pas assez contextualisés, ce qui l'entraîne à émettre des considérations plus que discutables. Ainsi, la stratégie expansionniste hitlérienne est mal définie, trop facilement assimilée à une brutalité irrépressible et incontrôlée qui n'aurait que séduit divers technocrates brillants tels que Guderian et Rommel. Ne sont pris en compte ni l'aptitude du Führer à considérer les rapports de force mondiaux dans leur globalité, ni ses talents de manipulateur, ni de ses rapports - complexes - avec ses généraux, ni son étonnant attachement à frapper le moral ennemi par tous les moyens pour parvenir à ses fins - bref, à analyser la dimension psychologique de ses adversaires et victimes.
Ce qui explique, par ex. et au hasard, ses allégations très discutables quant à la nature de la campagne de France en 1940, que M. Naveh refuse d'inclure dans la notion de "Blitzkrieg". Or, cette conquête avait été programmée par Hitler comme devant aboutir à une victoire éclair, oui, mais limitée. L'encerclement des forces alliées en Belgique ne devait pas conduire à leur anéantissement, mais à impressionner les Alliés de telle manière qu'ils auraient immanquablement réclamé la paix pour sauver les meubles - un calcul qui a été à deux doigts d'aboutir. Hitler, l'unique responsable de ce plan (Manstein n'a été récupéré que pour autant qu'il préconisait de percer à Sedan), avait bel et bien un objectif stratégique, a défini la voie opérationnelle pour l'atteindre (concentrer la masse de manoeuvre sur la Meuse pour foncer vers Boulogne et Dunkerque), et pouvait compter sur le regroupement d'unités blindées collaborant parfaitement avec l'aviation. Que ses généraux n'aient pas su de quoi il retournait exactement (ils ignoraient où aller au-delà de la Meuse) ne remet pas en cause le fait que, si l'on se fonde sur la perception hitlérienne de l'affaire, la campagne de France reste un modèle de "Blitzkrieg", dont la faillite n'est ni tactique, ni opérationnelle, mais stratégique (Churchill étant parvenu à imposer au Cabinet de Guerre, non sans mal, la poursuite de la guerre).
Pour revenir sur d'autres aspects de l'étude de M. Naveh, ce dernier - et M. Lopez le reprend sans le critiquer, voire en étant encore plus affirmatif - prétend que "l’art opératif" soviétique découle de l'assimilation, par les généraux soviétiques qui s'en sont faits les champions, de la théorie des systèmes (elle-même discutée), ce qui n’est absolument pas démontré - et ne risque pas de l'être un jour. Pour fascinant que puisse paraître le lien entre cette théorie et les trouvailles opérationnelles de divers cerveaux de l'Armée rouge, il n'en semble pas moins que ce sont plutôt les Américains qui l'ont établi, ce qui est de nature à expliquer leur meilleure appréhension de la dimension opérationnelle du conflit à partir des années 70. Cette donnée n'est pas dépourvue d'importance, dans la mesure où elle est de nature à nous faire comprendre pourquoi les percées théoriques de "l'opération en profondeur" ont suscité certaines oppositions au sein de l'Armée rouge dans les années trente. Par ailleurs, faire de l'art opératif soviétique un rejeton de la théorie des systèmes revient à donner à ce concept militaire davantage de cohérence qu'il n'avait, voire à déformer le sens des écrits de ses promoteurs, tels que Toukhatchevski. Outre de nier l'apport des théories de Marx, Engels et Lénine audit concepts.
Enfin, M. Naveh - et M. Lopez après lui, quoique ses écrits récents semblent indiquer le contraire, sans nécessairement aborder directement ce point - semble imputer la crise de cet "art opératif" dans la seconde moitié des années trente aux purges staliniennes. Certes, mais M. Naveh ne paraît pas s'être attardé sur d’autres éléments tels que la mise en pratique de ces concepts théoriques par de grandes manoeuvres qui en ont souligné les limites, liées à une insuffisante prise en compte de leurs implications technologiques et humaines (matériel inadapté, manque de formation...). Preuve que si les Soviétiques avaient su faire preuve d’une plus grande imagination théorique que les Allemands en la matière, ils leur restaient inférieurs quant à l’expérimentation des procédés sur le terrain. Or, ce point est fondamental, car cette lacune soviétique en matière d'appréhension des réalités "d'en bas" semble avoir nourri les leçons erronées que divers officiers supérieurs de l'Armée rouge tireront de la guerre d'Espagne, et qui contribueront à l'abandon - provisoire - de l'art opératif, et à l'éclatement des grandes unités blindées en 1939.
8 De coffre fort - 22/12/2011, 17:07
Merci pour ce post bien étayé, j'espère relire vos billets à nouveau.