Souvent, quand on s'intéresse à ce qui est arrivé aux généraux nazis après guerre, on a l'impression que même les plus criminels sont sortis de prison rapidement. J'ai voulu faire un petit point factuel:
- Nikolaus von Falkenhorst, condamné à mort, peine commué en 20 ans de prison. Libéré en 1953.
- Eberhard von Mackensen, condamné à mort, peine commué en 21 ans de prison. Libéré en 1952.
- Albert Kesselring, condamné à mort, peine commué en perpétuité, puis en 21 ans de prison. Libéré en 1952 "à cause d'un cancer". Meurt en 1960.
- Wilhelm List, perpétuité. Libéré en décembre 1952 à cause de "problèmes de santé". Meurt en 1971.
- Sepp Dietrich, perpétuité, peine réduite à 20 ans, définitivement libéré en 1959. [1]
- Erhard Milch, perpétuité. Libéré en 1954.
- Erich Raeder, perpétuité, libéré en 1955
- Hermann Reinecke, perpétuité, libéré en 1954.
- Walter Warlimont, perpétuité, peine commuée en 18 ans. Libéré en 1957.
- Lothar Rendulic, 20 ans de prison, peine réduite à 10 ans. Libéré en 1951.
- Hans von Salmuth, 20 ans de prison. Libéré en 1953.
- Eric von Manstein, 18 ans de prison, Libéré "pour raisons médicales" en 1953. Visiblement très malade, il parvient à vivre 20 ans de plus et meurt en 1973
- Hermann Hoth, 15 ans de prison. Libéré en 1954.
- Georg-Hans Reinhardt, 15 ans de prison. Libéré en 1952.
- Karl Dönitz, 10 ans de prison, qu'il purge.[2]
- Otto Wöhler, 8 ans de prison, libéré en 1950
- Karl-Adolf Hollidt, 5 ans de prison, qu'il purge.
- Wilhelm von Leeb, 3 de prison en 1948, libéré immédiatement, sa peine étant considérée purgée pendant la période 1945-48.
- Gerd von Rundstedt, jamais jugé, libéré en 1948. Meurt en 1953.
- Maximilian von Weichs, accusé de crimes de guerre contre les partisans, jamais jugé à cause de problèmes de santé. Meurt en 1954.
Bref, entre 1952 et 1954, quand la RFA a repris la responsabilité juridictionnelle sur ces criminels, il y a eu l'équivalent d'une amnistie générale.
Notes
[1] Il s'agit du seul général SS de la liste, et il semblait plus difficile de le faire sortir que les autres. Il a en fait été libéré en 1956, puis jugé pour d'autres crimes et a dû repasser quelques années en prison.
[2] Dönitz, contrairement aux autres, était enfermé à la prison de Spandau, sous contrôle des alliés. On y trouvait aussi Speer ou Hess.
2 réactions
1 De CM - 19/05/2011, 09:02
Bonjour,
Travail nécessaire et rarement fait d'étudier cette liste, mais il faut aller plus loin : qu'en est-il des échelons inférieurs ? Quid du ratio entre les condamnations et le secteur d'engagement (on peut distinguer 4 secteurs principaux en matière de crimes de guerre avec typologie différente : Blitzkrieg / Est (y compris Balkans) / Ouest (y compris Norvège, Afrique et bataille de l'Atlantique) / Italie (y compris zone italienne d'occupation dans les Balkans) .
S'il est vrai que le début des années 50 a amené pas mal de libération "pour raisons de santé", il faut aussi replacer dans leur contexte les condamndations prononcées souvent alorsd que l'on n'avait pas tous les éléments dont on dispose aujourd'hui : deux exemples Speer (Nuremberg n'avait pas les preuves découvertes plus tard sur sa participatiobn active et consciente au système concentrationnaire et pas qu'à Dora), et von Manstein (notamment sur les Einsatzgruppen en Crimée pendant le siège de Sébastopol).
Enfin, mais je conçois que le propos soit plus "sensible", il faut aussi distinguer les crimes de guerre commis dans le cadre de la (contestable) "tradition" allemande, et ceux clairement inhérents au système idéologique nazi (Shoah, einsatzgruppen etc...). Je vise par "tradition" allemande, le déviance de la pensée Clausewitzienne qui, interprétée de manière particulière par l'état-major allemand du début du XXème siècle, a amené l'armée allemande, la seule en Europe occidentale, à écarter de manière constante et organisée, l'application des conventions internationales fixant le droit de la guerre, pourtant signées par l'Allemagne (La Haye et Genève). Il suffit de se rappeler les crimes commis en Belgique et en France en 1914 par exemple, pour comprendre qu'une partie de ces crimes ne sont que le fruit d'un système institutionnalisé, tandis que d'autres (parfois commis par les mêmes) sont clairement liés au régime nazi.
Ecrire cela n'excuse rien (analyse ne vaut pas adhésion) mais permet de mieux cerner ce que fut l'armée allemande, et pourquoi elle commis des crimes dès 1940 en Belgique et en France, notamment contre les civils ou les prisonniers (et pas seulement les noirs).
Bref, beaucoup de choses à écrire, un prochain livre du lecteur ?
CM
2 De le lecteur - 19/05/2011, 19:50
J'ai pris le haut de la pyramide - déjà un début. Je serais curieux de voir s'il y a eu plus de condamnations au niveau d'en-dessous. J'imagine que non. Et je n'ai pas compté dans le lot les prisonniers sur le front russe (comme Paulus), faute d'avoir la moindre d'idée s'ils ont jamais été jugés.
Pour Manstein, Lemay rappelle que pendant son procès, ses ordres vers les Einsatzgruppen pendant la campagne de Crimée sont un des chefs d'accusation les plus sévères. Le point est connu presque depuis le début. On voit aussi que distinguer les motifs de condamnation est délicat: contre Manstein sont retenus tous les cas que tu évoques, mais le tribunal l'acquitte, sans trop qu'on puisse comprendre pourquoi, de certains.