Cette ré-édition d'un volume oublié paru en 1950 est une compilation d'anecdotes apocryphes sur une vingtaine de maréchaux soviétiques. Il n'y a rien de pertinent à tirer de cette petite curiosité. On passera son chemin sans plus y prêter attention.
Le préfacier le souligne d'emblée: ce texte est un faux, publié comme on le ferait d'une plaquette publicitaire, pour donner un visage aux vainqueurs du Reich, en réaction à la notoriété émergente dont profitaient déjà les généraux allemands. Le texte n'a pas vocation à être recherché ni sérieux. Il consacre un chapitre à chacun des grands noms de l'armée soviétique, donnant une ou deux scènes ou quelques répliques au personnage croqué, et rapportant un souvenir de guerre, le plus souvent en rapport avec la conception d'un plan.
Ces anecdotes ne sont que cela, et on les lit forcément en diagonale. Les maréchaux soviétiques en paraissent dans l'ensemble de bons gars expérimentés et décidés, professionnels mais approchables, et dont les plus grands défauts sont ici un vocabulaire grossier, là de ne pas aimer perdre aux échecs. Les propos relatifs à telle ou telle opération sont trop brefs pour avoir de l'intérêt, d'autant que, le volume ne comportant pas de carte, il est impossible au lecteur de situer les lieux et mouvements évoqués dans le texte (les noms propres sont en fait un écran de fumée pour faire semblant d'être sérieux tout en s'assurant d'embrouiller). On ne tire presque rien des 250 pages, peut-être une ou deux réflexions pas totalement superficielles, comme sur l'impact exact de la neige et du gel à l'hiver 1941-1942.
Cette édition contient également quelques notes en bas de page égrainées au petit bonheur, pour préciser l'identité d'un personnage ou pour corriger un chiffre. Il n'est nulle part dit d'où viennent ces notes, et l'on comprend seulement à mi-volume, quand l'une d'entre elle fait référence à un événement postérieur à 1950, qu'elles doivent être de l'éditeur ou du préfacier. Elles sont source de confusion plus que de clarification.
9 réactions
1 De Stéphane Mantoux - 01/04/2013, 09:30
Hello,
L'auteur n'introduit-il pas l'ensemble par une préface ou un avant-propos conséquent ? Je l'aurais cru (je n'ai pas encore lu le livre, mais d'autres recensions, par contre).
Il y a une préface qui remet le texte en perspective, disant tout de suite que c'est un faux, et évoquant quelques pistes quant à sa raison d'être. Cette préface souligne que, pour rester crédible, le texte n'hésite pas à mentionner les grandes purges ou les défaites de 1941-42 (il est vrai que sans cela c'eut été de la propagande grossière). Et un intérêt élémentaire du texte est simplement de donner une liste de noms d'officiers généraux, en tentant de leur donner une personnalité. Le préfacier affirme qu'il y aussi à en tirer sur le fond, mais ne s'aventure pas à détailler quoi...
Dommage en effet qu'il n'y ait pas de cartes.
De mon côté, j'ai signé pour le blog collectif L'autre côté de la colline une (vraie) biographie de Katoukov, le commandant de la 1ère armée de chars de la Garde. A paraître le 20 avril.
Cordialement.
2 De pionpion - 01/04/2013, 10:11
une bonne mise en garde. Dans la collection Tempus on trouve à boire et à manger...
3 De Stéphane Mantoux - 01/04/2013, 13:04
Merci pour les précisions.
Et en effet, dans la collection Tempus, il y a de tout, du bon, du moins bon et des rééditions d'ouvrages dont on aurait pu peut-être se passer quand ils sont très vieux (et pas forcément écrits par des gens très sains, d'ailleurs).
Cordialement.
4 De Tietie007 - 09/04/2013, 20:29
Nous avons une connaissance commune sur Paris !
5 De Stéphane Mantoux - 10/04/2013, 19:47
Vous vous adressez à qui dans votre dernier commentaire (juste pour dissiper un doute) ?
Cordialement.
6 De le lecteur - 10/04/2013, 22:19
Je pense que c'était pour moi
Mais il vaut mieux que ce lien inédit se poursuive par mp
7 De Stéphane Mantoux - 11/04/2013, 07:13
MDR. Ok, merci, c'était juste pour confirmation.
8 De Nicolas Bernard - 12/04/2013, 16:11
Je comprends mal l'intérêt de l'ouvrage, malgré la préface de Laurent Henninger qui constitue un éclairage utile. En tous les cas, vu que je manque de temps pour développer, voici un petit complément bibliographique : François Kersaudy, « Quelques faux ouvrages remarquables sur l’Union soviétique », "Communisme", n°29-31, 1992, p. 6-26 ; Paul W. Blackstock, « ‘Books for idiots’. False Soviet ‘Memoirs’ », Russian Review, vol. 25, n°3, juillet 1966, p. 285-296.
A noter que plusieurs faux ont pollué l'historiographie de la guerre germano-soviétique, y compris après la chute du communisme : le pseudo-discours de Staline devant le Politburo du 19 août 1939 - voir Sergeï Slutsch, « Stalins "Kriegsszenario 1939". Eine Rede, die es nie gab. Die Geschichte einer Fälschung », Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, 2004/4, p. 597-636 - ou encore une pseudo-lettre du Secrétaire général du P.C. italien Palmiro Togliatti, en date du 15 février 1943, par lequel ce dernier aurait fait part de son absence totale de compassion pour les prisonniers de guerre italiens souffrant du froid dans les camps soviétiques (anecdote présentée par Pierre Vidal-Naquet dans Le Trait empoisonné. Réflexions sur l’affaire Jean Moulin, Paris, La Découverte, 1993, p. 151-152).
Ce sont tout de même les années immédiatement postérieures à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale qui décrochent la timbale en la matière. Angelo Tasca, sous le pseudo "A. Rossi", s'est ainsi livré à un véritable jeu de massacre de faux documents soviétiques relatifs au pacte Molotov-Ribbentrop dans "Le Pacte germano-soviétique. L’Histoire et le Mythe", Paris, Cahier des Amis de la Liberté, 1954.
9 De Stéphane Mantoux - 20/04/2013, 18:33
L'article dont je parlais est en ligne, ici :
http://lautrecotedelacolline.blogsp...
Pour ceux que ça intéresse.
Cordialement.